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Quand le gouvernement propose d’être "français et fier de l’être" au nom des expulsions et de la persécution des ouvriers étrangers et de leur famille.

lundi 26 octobre 2009

Vu les propositions actuelles du gouvernement, nous remettons en avant cet article paru dans le N°12 de "Ici, Ensemble", été 2009.
Nous pensons qu’il donne quelques points d’analyse et ouvre à des propositions.

Lisez le texte daté du 31 mars 2009, signé de Sarkozy et Fillon et intitulé "Lettre de mission à M. Besson, Ministre de l’immigration et de l’identité nationale".
Lisez-le et prenez position ! Voilà que l’état vous, nous, propose une définition "du français", de "son identité", et tant qu’à faire de "sa fierté" ! Nous allons enfin savoir qui nous sommes ou plutôt ce que nous devons être et penser pour pouvoir être pris en compte comme bons citoyens.

La proposition principale de ce texte est la suivante : être français, être reconnu comme citoyen, passe par adhérer à la politique de persécution que déploie le gouvernement à l’encontre des ouvriers, des étudiants, des malades, des réfugiés sans-papiers. Cela n’a jamais été dit aussi clairement et de manière aussi explicite.

Nous avons décidé de prendre le temps de lire cette "lettre de mission" ensemble, de l’étudier et de l’analyser en réunions. Nous pensons qu’elle marque une étape nouvelle dans la politique étatique actuelle, notamment par la volonté d’axer le Ministère sur une prétendue "’identité et fierté françaises" qui se construiset dans la persécution d’une partie d’entre nous.
Nous insistons pour parler de politique "étatique" dans le sens où elle n’engage pas que le gouvernement, mais l’ensemble de ceux qui ont prétention à gérer l’état. En effet 2 remarques là-dessus. La première : Besson est le destinataire, chef de ce sinistre ministère, ancien du PS, rallié sans problème à la thématique identitaire ; la seconde : qui dans l’opposition a pris position sur ce texte, sa signification profonde ? Personne. Silence vaut accord. Il est d’ailleurs significatif que toute les réactions médiatisées se soient focalisées sur un seul aspect : ce qui a été appelé le "délit de solidarité". Mais il est clair que cette "lettre de mission" a bien d’autres objectifs.

L’article qui suit reprend point par point la "lettre de mission" (téléchargeable sur le site du Ministère de l’immigration) et ouvre à des propositions de travail. (Les phrases en italique et entre guillemets sont des citations extraites de cette lettre).

Le préambule de cette lettre est un satisfecit pour le gouvernement et parle "d’oeuvre accomplie considérable".

De quelle "oeuvre" s’agit-il ?
Nous avons retenu 2 points : 

La création du ministère permet de "couvrir l’ensemble du parcours d’un étranger en France, depuis l’accueil au consulat jusqu’à l’intégration dans notre pays et l’éventuel accès à la nationalité française, ou le retour vers le pays d’origine".

Le contentement annoncé vient donc du fait que maintenant les services de l’Etat ont une "traçabilité" complète sur une partie de la population ; cela correspond à la volonté politique de décider de la vie des gens où tout doit être contrôlé d’un bout à l’autre. Ce thème est présenté comme une évidence qui ne mérite aucune contestation. Les gens concernés se retrouvent prisonniers d’un système, mis dans un moule avec interdiction d’en sortir. Les choix de vie ne sont plus l’affaire des gens eux-mêmes, mais l’affaire de l’Etat. Comme le dit un ami ouvrier sans-papier du Rassemblement : "Avec cette politique, tu n’as plus de choix à faire, tout est décidé à ta place. Il nous faut faire respecter les choix des gens".


  • Bien sûr les expulsions, appelées "éloignements forcés", tiennent une place importante dans "l’oeuvre accomplie". Les vies brisées, la violence et l’humiliation faites aux étudiants, ouvriers, malades, réfugiés...tout cela est appelé "résultats satisfaisants". 

  • D’autre part, le travail des gens est attaqué, il est qualifié de "clandestin" comme s’il n’existait pas, comme s’il n’avait pas de valeur. Mais comme le disent nos amis : "notre travail se voit, les routes, les maisons, les bâtiments, les fruits et légumes sur les marchés, les plats confectionnés et servis dans les restaurants... tout cela n’a rien de clandestin ; ce sont nos droits, liés au travail, qui le sont devenus. A nous d’affirmer que le travail (actuel et passé) des gens compte, qu’il doit être respecté et ouvrir aux droits."


La lettre continue par "je vous demande de consolider ces succès (…) autour de 5 priorités". Nous allons les reprendre dans l’ordre :

I) Le choix et le tri des gens qu’opère l’Etat (par l’expulsion massive ou l’obtention de papiers) est justifié par le fait que "ce droit constitue le fondement même de la souveraineté d’un Etat". Il est clairement énoncé que c’est à l’Etat que revient la décision et que la vie et le choix des gens n’ont pas à être pris en compte. La thématique de "l’immigration choisie" est à l’oeuvre et elle prend là tout son sens : il y a des gens dont la vie ne compte pas, et de toute façon la valeur de la vie de chacun est donnée par la loi, donc par la décision étatique et administrative.

De ce choix politique découlent des objectifs ciblés minutieusement déclinés :


  • 27000 expulsions à réaliser pour l’année 2009.

  • Volonté annoncée de modifier le cadre législatif des recours en "simplifiant son contentieux", ce qui veut dire enlever les possibilités, non pas de contester un refus de séjour, mais de pouvoir gagner en justice contre la rétention et l’expulsion.

  • "Optimiser l’usage de la biométrie" : contrôles et surveillances technologiques accrus des personnes.

  • "Accroître la surveillance de l’entrée en Europe" : c’est à dire rendre l’Europe inaccessible aux pauvres d’Afrique. Cela se fait par la force armée inter-européenne appelée FRONTEX. Il est à noter à ce sujet qu’il s’agit de la seule force militaire que l’Europe est capable de créer en commun ! Cela en dit long sur les buts assignés à l’Europe : se refermer sur une vieille richesse en perdition en montant des murs, des barrières, des dispositifs de guerre contre les plus pauvres. Plusieurs centaines de personnes meurent chaque année en mer par la seule volonté des Etats européens de ne pas délivrer de visas.

  • Répression de "l’aide illicite à l’entrée et au séjour d’immigrés en situation irrégulière en opérant 5000 interpellations pour 2009". Il faut bien voir que ceux qui sont visés principalement par cette mesure ce ne sont pas les "personnalités connues" mais les familles, les amis, les proches qui hébergent, aident au quotidien des sans-papiers : un fils, une fille, un oncle, un neveu, un voisin du village d’origine... La mesure proposée vise à terroriser les proches, à diviser les familles, à isoler les sans-papiers. 

  • Diminuer les possibilités de régularisation dans le cadre de la "vie privée et familiale" : les mariages sont ciblés et deviennent soit "forcés", soit "de complaisance". C’est la première fois que l’on voit l’Etat s’arroger le droit de décider qui doit épouser ou ne pas épouser qui ! Tout cela bien sûr au nom d’une morale républicaine. C’est aussi le droit au regroupement familial qui est visé avec la volonté de le détruire : la vie privée et familiale n’a plus de valeur.

  • Tentative de mettre en concurrence pour le travail et le logement les ouvriers avec papiers (français ou non) et ceux sans-papiers : la régularisation massive sur la base du travail est écartée car "la priorité absolue doit aller au retour à l’emploi des personnes qui en sont privées". Cela est avancé alors que chacun sait maintenant que la plupart des ouvriers sans-papiers travaillent ! Il s’agit pour le gouvernement de faire croire qu’une partie du chômage est la faute des étrangers, et qu’ainsi la préférence nationale si chère à Le Pen et au FN est justifiée. C’est une proposition de mise en guerre des gens entre eux. 

  • Il est annoncé une précarisation des titres de séjour liés au travail : "l’immigration professionnelle devra être prise en compte sous toutes ses formes (…) je vous demande d’axer cette ouverture sur le développement de l’immigration de mobilité (…) au moyen de visas de circulation, de cartes de séjour saisonnier, ainsi que de toutes les solutions juridiques permettant la mobilité sans ouvrir droit à une résidence définitive". Pour qui connaît la loi CESEDA et son application directe dans la vie des gens, il est clair qu’il s’agit là de la suppression dans les faits de la carte de résident de 10 ans. Ce qui fait dire à certains ouvriers sans-papiers : "c’est comme le travail temporaire, tu as une vie temporaire".


II) La seconde priorité déclinée concerne la politique d’asile. Après les habituelles hypocrisies de circonstance ("tradition républicaine", "impératif juridique", "exigence morale…") il est rappelé que les demandes d’asiles ne sont pas fondées car elles sont soit "frauduleuses", "abusives", "détournement de procédures". Donc-là, pas de grande nouveauté, si ce n’est de confirmer qu’il n’y a plus de droits d’asile et d’accueil de réfugiés digne de ce nom en France.

III) Vient ensuite le volet sur "l’intégration". Comme à son habitude, Sarkozy reprend l’argument, qui est devenue une "vérité" de propagande : "les politiques d’intégration n’ont pas atteint leur objectif". Cette partie n’avance rien de bien nouveau par rapport à la propagande de ces 28 dernières années pour ancrer comme une évidence qu’il existe en France "des immigrés" et qu’on les reconnaît car ils sont porteurs de problèmes : "chômage", "tensions urbaines", "dérives communautaristes", "concentrations urbaines"... Elle vise simplement à conclure ceci : si "l’immigré" existe comme catégorie politique, alors le "français" peut et doit lui aussi exister comme catégorie politique opposée. Ce qui permet de passer à la partie suivante, véritable proposition politique criminelle pour le pays tout entier et son devenir.


IV) La proposition principale de ce texte est intitulée "la promotion de notre identité nationale doit être placée au coeur de votre action". Il est significatif que cela arrive après le détail minutieux des procédures mises en oeuvre pour séparer les gens entre français et immigrés (au nom de l’intégration non réussie et non réalisable), et par le détail, lui aussi minutieux de la persécution à mener et que nous avons analysé plus haut.

La nouveauté est là : l’Etat a décidé de définir "ce que signifie être français". Il est clairement explicité que cela doit devenir non seulement une question politique majeure, mais aussi qu’il est du ressort de l’Etat de le formuler.
Tout est dit avec cette phrase : "la citoyenneté, ce n’est pas une utopie qui rejette la nation et l’état de droit, c’est la participation et l’adhésion active aux règles qui permettent de vivre ensemble dans notre République" et plus loin "nous devons assumer mais aussi célébrer (…) la fierté d’être français".
Il est bien entendu que les "règles", ce sont les lois. Autrement dit : est considéré comme bon citoyen français celui qui accepte les lois sans broncher. Après "l’immigré choisi" nous arrivons au "citoyen choisi" !

Il s’agit d’une politique identitaire affirmée, où être "français" se définit avant toute chose comme ne pas être "immigré".
Qui est "immigré" alors pour l’état ? Si on prend ce point à l’envers, il est sûr que Dati et Yade ne peuvent pas être considérées comme "immigrées" car elles sont militantes des lois de persécution envers les "immigrés clandestins", et elles sont même à ce titre élevées au rang de citoyennes françaises exemplaires ! Il est donc clair que quiconque agit de la sorte est accueilli dans la République et la Nation telles que définies par l’état : être français dans ce cas n’est plus un acte administratif mais devient un acte et une catégorie politique.

Ainsi, aimer la France revient à aimer l’état, ses partis, ses lois... en aucun cas les gens comme ils sont, comme ils se définissent eux-mêmes. Être fier d’être français, c’est être fier des efforts de guerre et de la persécution contre les plus faibles.

Nous proposons depuis longtemps une toute autre thématique : pour nous la question n’est pas identitaire. Elle n’est donc pas : “qu’est-ce qu’être français”, mais elle est universelle et pour tous : “Qu’est-ce qu’être de France ? Quel pays voulons nous ?”
Nous pouvons déjà répondre et affirmer que c’est être porteur d’un projet en action, d’une politique pour tous, avec les gens tels qu’ils sont. C’est une idée nouvelle et moderne du pays qui se donne dans une politique où qui vit ici, est considéré comme étant d’ici. C’est travailler à ce que le pays soit pour tous, à égalité, contre les politiques qui justifient les privilèges et la persécution des plus faibles.


V) Le dernier point évoqué est "le développement solidaire". Nous reviendrons prochainement là-dessus, mais nous pouvons citer : "Les transferts d’argent vers les pays d’origine dépassant le montant global de notre aide publique au développement, je vous demande également de réfléchir à des solutions permettant de mieux valoriser l’effort d’épargne des migrants, souvent considérable, et de favoriser l’orientation de cette épargne vers des projets qui contribuent pleinement au développement de leur pays d’origine". En clair : comment capter l’argent des ouvriers étrangers afin qu’il n’échappe ni aux états ni aux banques.



En conclusion : cette lettre de mission est une véritable déclaration inégalitaire, qui propose "l’identité française" comme point de consensus et de ralliement à l’état et à la politique sarkozyste.
C’est un texte pour mettre en place de façon définitive la séparation des gens.
Notre décision de mener bataille pour la dissolution de ce Ministère et de ce qu’il représente en est renforcée. Nous appelons chacun à s’y associer.
Notre proposition de politique à distance à l’état prend tout son sens dans ce cas précis :
ce n’est en aucun cas à l’état, au gouvernement de décider qui nous sommes ou ce que nous décidons d’être. A la place du "français" ou de "l’immigré" il est possible de formuler et de faire vivre concrètement ce que c’est qu’être ici, de France, ensemble.

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supp n°13