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Lettre Ouverte sur le logement : A propos des destructions de quartiers, du droit, du respect et de la dignité des habitants.

mercredi 6 octobre 2021

Nous relayons la Lettre Ouverte faite par l’Assemblée d’Habitants de Reynerie :

Lettre Ouverte sur le logement

A propos des destructions de quartiers, du droit, du respect et de la dignité des habitants.

1) Il faut arrêter de vouloir tout détruire au nom de la mise en place d’une pseudo « mixité sociale » qui en 30 ans de politique de la ville n’a jamais vu le jour.

Il faut rénover les bâtiments et les logements sains au lieu de les raser systématiquement. Il est temps de faire le bilan de cette politique là : au bout de 30 années d’expérience, il est clair que la mixité sociale dans le logement ne peut pas exister ou alors que de façon très marginale : on sait bien que ceux qui ont des revenus importants sont prêts à payer des charges élevées dans des résidences de standing, et sont demandeurs dans leur quartier de commerces et d’attractivités que seules les couches moyennes supérieures peuvent se payer. Du coup, ceux qui ne peuvent se payer ni l’un ni l’autre sont obligés de se rapprocher d’autres centres plus accessibles à leurs moyens. C’est aussi vrai dans l’autre sens : ceux qui ont les moyens de dépenser ne trouvent pas l’offre correspondante autour d’eux dans des quartiers populaires et vont s’installer dans des quartiers plus aisés où ils trouvent ce qu’ils cherchent. Le confinement a accentué cette tendance, en éloignant les populations les plus aisées de l’habitat en ville où ils manquent d’espace.
Les quelques logements dits « sociaux » obligatoires dans chaque programme immobilier de luxe (comme à St Cyprien par ex) n’y changent rien : Qui seront « les élus » choisis, sur quels critères et combien de temps pourront-ils y rester ? Quel sera le loyer ? Le montant des charges ? Etc..

A cela on peut rajouter que beaucoup de gens des classes moyennes n’ont aujourd’hui aucun désir de côtoyer au quotidien des gens considérés comme « pauvres ». C’est une triste réalité de la France d’aujourd’hui, certainement alimentée par toutes sortes de discours politiques allant dans le sens de la séparation des gens sur des bases sociales, ethniques ou autres. Le « séparatisme », le « communautarisme » dont on nous rebat les oreilles à propos des habitants des quartiers populaires, n’est qu’une nouvelle appellation de l’entre-soi qui touche toutes les couches de la population.

Aujourd’hui, on ne peut plus justifier la destruction de quartiers entiers comme la Reynerie à Toulouse et les déplacements de population que cela entraine par la mise en place de la « mixité sociale » : Il faut bien à un moment donné faire des bilans, les rendre publics, et arrêter de rabâcher indéfiniment les vieilles rengaines de sociologues appointés pour justifier les démolitions de logements sains, solides, spacieux.

2) « Logement social » ça ne veut aujourd’hui plus rien dire  : la fourchette des loyers de ces « logements sociaux » varie constamment, en fonction du lieu, des revenus, du prix fixé par le bailleur etc... Depuis le gouvernement Sarkozy il y a une volonté politique de détruire tout ce qui est HLM (habitations à loyers modérés). Dans la logique HLM, les loyers sont pratiquement les mêmes dans un quartier pour tous les locataires ayant un logement équivalent (un T3, T4 etc...). Ces prix sont très abordables pour les populations les moins fortunées.
Détruire ces quartiers, c’est dans les faits en finir avec les prix pratiqués dans les HLM. Il en résulte pour les gens concernés des hausses significatives de leur budget logement. Par exemple, dans le quartier du Mirail les loyers des nouveaux appartements proposés après destruction sont pour la plupart de 100 à 300 euros plus chers par mois ! Les gens ne peuvent pas payer, et beaucoup sont obligés de s’éloigner de la ville, avec toutes les complications que cela entraîne : transports, pollution, déplacements quotidiens, écoles, isolement etc....
Le thème du logement est devenu un support pour faire passer toutes sortes de points de vue politiques (de « il faut changer les têtes », à « il faut empêcher le communautarisme » etc...). qui justifient l’abandon du service public du logement tel qu’il se donnait à travers les offices HLM au profit d’une délégation du logement social à des bailleurs semi privés. Ces nouveaux « bailleurs sociaux » sont essentiellement dans une logique de rentabilité, ils proposent des logements à des loyers inaccessibles pour bon nombre de locataires HLM.

3) Détruire un quartier, c’est détruire une vie sociale, des lieux d’entraides, une histoire où les habitants peuvent s’enraciner et se reconnaître. Alors qu’aujourd’hui chaque commentateur ou homme politique dit s’inquiéter de ce qui fait « communauté nationale », ils n’ont de cesse de la détruire en ne laissant pas l’histoire se faire, se dérouler au rythme des gens, de leur vie, de leurs expériences.
Nous ne devrions pas avoir à rappeler une telle évidence : Il faut laisser la vie se faire, la très grande majorité des habitants veut vivre en paix et tranquillité. Il n’y a que ceux qui ne s’intéressent pas à la vie des habitants des quartiers populaires pour ne pas connaître l’inventivité développée par les gens eux-mêmes pour vivre en bonne entente, les liens tissés année après année qui permettent de vraies solidarités, un vrai souci des uns envers les autres : les exemples ne manquent pas de voisines qui passent tous les jours voir des personnes âgées isolées et leur porter à manger, d’habitants qui s’inquiètent quand l’enfant d’un voisin traîne un peu trop et a de mauvaises fréquentations, de parents qui se mobilisent pour exiger le remplacement des instituteurs absents dans l’école d’à côté, d’habitants qui se concertent pour demander un plan de prévention sur les méfaits des drogues etc... Des liens se créent entre gens divers, différents, qui se respectent. Une solidarité réelle et quotidienne existe, se cherche, se créée. Pourquoi détruire cela, qui fait histoire, qui enracine chacun et les enfants dans un devenir commun ? N’est-ce pas cela faire communauté ?

4) Les destructions prévues ont aussi un coût exorbitant d’un point de vue écologique. Les destructions/reconstructions voulues au Mirail par les responsables politiques et certains bailleurs ne prennent jamais en compte ce coût qui est pourtant devenu essentiel à chiffrer aujourd’hui. Ce n’est pas planter quelques arbres qui compensera l’empreinte carbone d’une telle opération.
A plusieurs reprises, des habitants ont demandé des chiffres précis là-dessus, nous attendons toujours les réponses...
Partout en France des experts, des spécialistes de la construction, des architectes de renommée internationale expliquent qu’il faut en finir avec « le tout destruction », et qu’il faut aller vers des rénovations intelligentes, novatrices et qui peuvent re-attirer des populations réticentes à vivre dans de grands ensembles (exemple de Bordeaux). Les études, les moyens techniques existent, le savoir-faire aussi. Il s’agit aussi d’associer réellement les habitants, d’écouter ce qu’ils ont à dire sur leur habitat, sur comment ils en voient l’évolution etc... Il faut là-aussi oser innover, aller de l’avant et ne pas continuer à penser que faire table-rase résout tous les problèmes. Au contraire, nous le voyons bien, cela ne fait que les accentuer : exclusions, éloignement, hausse des prix, isolement...
A noter que 2 enquêtes d’utilité publique ont été menées à la demande de la Mairie : la première enquête avait conclu en 2017 qu’il fallait arrêter les destructions, rénover l’existant et améliorer l’environnement. Ces conclusions n’allant pas dans le sens attendu, une 2° enquête a été commanditée, dont le résultat valide le projet, bien que la mairie n’ait pas fourni les documents demandés sur l’empreinte carbone de la démolition/reconstruction comparée à celle d’une rénovation. ll n’y aura donc pas de 3° enquête... Dans le coût de l’opération, il faut tout compter, y compris le coût du relogement, mais aussi les frais de fonctionnement de ces immeubles encore habités, même partiellement, mais qu’il faut continuer à chauffer, et à entretenir (même si c’est fait à minima malheureusement, sous prétexte que « ce n’est pas la peine de faire des travaux, cela va être détruit. »
Le bâtiment Messager, par exemple, était prévu à la démolition en 2017, il est toujours debout, habité par quelques dizaines de famille. Le coût prévu de la démolition a bien sûr augmenté en 4 ans, bientôt 5 car la destruction ne peut pas se faire tant qu’il y a des gens, inexpusables pour le moment, et tant que le Tribunal de Bordeaux n’a pas donné sa réponse sur le plan d’urbanisme de Toulouse, retoqué par le Tribunal Administratif... Les subventions vont elles aussi augmenter ? Jusqu’où ? Il est encore temps d’arrêter ce gâchis et de partir sur de nouvelles bases qui prennent en compte la rénovation possible, la vie des gens concernés, ainsi qu’un coût écologique moindre.
Les milliards prévus sont de l’argent public, géré par l’ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine). Pourquoi gaspiller sans compter ? Parce que c’est de l’argent public ? Cet argent peut être utilisé pour les gens : des familles n’ont pas de toit, vivent dans des voitures, des cabanes de secours, sont contraintes de squatter... Il faut construire du vrai logement social et rénover l’existant. Il faut s’éloigner des schémas idéologiques tout faits (faire table rase en tout détruisant ne fait pas la mixité sociale) et tenir compte de la contrainte écologique pourtant urgente pour tous et surtout les plus jeunes.

5) Pour justifier les destructions un argument est souvent utilisé par les responsables politiques : celui de la drogue. Certains expliquent qu’en détruisant tel ou tel quartier, le trafic n’existera plus. Sur ce point nous pouvons répondre une chose :
Tout le monde sait maintenant que la localisation des lieux de deal correspond à des choix qui ne sont pas ceux des vendeurs et des acheteurs : à Toulouse par exemple, dans les années 90 au centre ville, notamment la Place du Capitole, sous les arcades et la Place Wilson, à côté des kiosques étaient les principaux lieux de deal. Cela ne donnait pas une bonne image de la ville, ils ont donc été supprimés par des interventions régulières. Ces lieux se sont déplacés vers les quartiers de la périphérie, plus populaires. Ils sont moins visibles pour les habitants du centre ville et pour les cartes postales. Faire déplacer les lieux de deal, la police sait le faire, on l’a encore vu à Paris avec les consommateurs de crack, il n’y a pas besoin de détruire des centaines de logement pour cela. Là encore, déplacer le problème ne le résout pas.

6) Dans les destructions annoncées, certains immeubles menacés font partie d’un véritable patrimoine architectural. Il en est ainsi des immeubles construits par l’équipe de Candilis dans les années 1970. Ils ont été visités, et étudiés dans le monde entier. Il y a encore 3 ans, c’était un sujet d’étude important à l’Ecole d’Architecture.
Pourquoi ne pas mettre en valeur un tel patrimoine qui fait partie de la ville de Toulouse ? A l’heure où le Maire, M. Moudenc veut faire rentrer la ville au Patrimoine de l’Unesco, pourquoi se priver d’un tel atout ?
Révolutionnaires à leur époque, ces bâtiments ont été construits en tenant compte de comment les gens allaient y vivre. Ce qui explique l’aspect spacieux des appartements, le fait qu’il n’y ait pas de vis-à-vis, que chaque appartement soit traversant... sans parler des dalles d’origine qui permettaient de se déplacer sans avoir une rue à traverser et du cadre paysagé, avec un lac, un parc, etc...! On est bien loin de cela quand on voit les constructions qui sortent partout de terre sur la ville : elles sont toutes sur le même schéma architectural, les surfaces des appartements sont minimales, il y a pratiquement des vis-a-vis partout, ils sont rarement traversants... La logique des promoteurs n’est pas, comme le faisait l’équipe de Candilis, de permettre aux futurs occupants de bien vivre dans leur appartement, mais simplement de rentabiliser au maximum chaque mètre carré.

En conclusion : Le logement n’est pas qu’affaire de commerce et encore moins de consommation : il est une nécessité absolu pour les gens, les familles. Autant faire en sorte alors que les familles s’y sentent bien, dans des espaces convenables, a des prix abordables (cela, beaucoup s’en sont aperçus lors des confinements). C’est donc un droit absolu. Et en fonction des politiques menées on voit si les gens sont pris en compte et respectés où s’ils sont uniquement considérés comme de la poussière que l’on peut déplacer sans tenir compte de leur vie, de leurs choix.

Pour notre part, nous continuerons à mener débats et batailles car nous ne sommes pas de la poussière.

Assemblée d’Habitants de Reynerie

Toulouse, le 06/10/2021

Mail : assemblee.habitants.reynerie@gmail.com

PS : cette Lettre Ouverte s’adresse à tout le monde : aux habitants de la ville, aux personnes en responsabilité sur ces questions : Maire, Métropole, bailleurs, Préfecture, Conseil Départemental et Régional, ANRU, à la Presse, aux architectes.... et à toute personne qui se sent concernée.

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